Biocomputing basé sur des neurones humains

Biocomputeurs : des neurones vivants prêts pour le marché

4 octobre 20256 min de lecture

Dans les laboratoires de biotechnologie, des ingénieurs rapprochent l'intelligence artificielle du vivant en cultivant des organoïdes cérébraux capables de calcul. Cette informatique « wetware » promet une rupture énergétique majeure.

FinalSpark, Cortical Labs et plusieurs centres universitaires transforment ce qui n'était qu'une curiosité scientifique en une filière naissante de biocomputing, où les neurones humains cultivés deviennent des coprocesseurs.

Wetware computing : un changement de paradigme énergétique

La promesse centrale du wetware computing réside dans son efficacité énergétique : un organoïde neuronal peut, en théorie, consommer jusqu'à un million de fois moins d'énergie que des processeurs classiques tout en réalisant certaines tâches cognitives. À titre de comparaison, l'entraînement du modèle GPT-3 a nécessité près de 1 300 mégawattheures d'électricité, là où un cerveau humain fonctionne avec seulement 20 watts tout en traitant l'information de façon massivement parallèle.

Repères énergétiques clés

  • Jusqu'à 1 000 000 fois moins d'énergie consommée que le silicium pour certaines tâches
  • 20 W pour le cerveau humain quand GPT-3 a requis ~1 300 MWh pour son entraînement
  • Réduction potentielle des coûts de refroidissement et d'empreinte carbone des centres de données

Des pionniers déjà en phase commerciale

Le laboratoire suisse FinalSpark a réussi à cultiver des organoïdes cérébraux issus de cellules souches humaines qui restent fonctionnels durant quatre mois, pilotés par un réseau d'électrodes pour mesurer et stimuler leur activité. Son cofondateur Fred Jordan décrit cette approche comme la production de « wetware », où chaque amas neuronal se comporte comme un microprocesseur biologique programmable.

En Australie, Cortical Labs a commercialisé en mars 2025 son biocomputer CL1 pour 35 000 dollars l'unité. Le dispositif combine neurones cultivés et puces en silicium pour créer ce que l'entreprise appelle l'« Intelligence Biologique Synthétique », capable d'apprendre seule à jouer au jeu Pong. La société développe désormais un serveur de 30 unités CL1 interconnectées qui sera accessible via le cloud d'ici la fin de 2025.

  • Organoïdes FinalSpark maintenus quatre mois sous électrodes
  • CL1 de Cortical Labs commercialisé à 35 000 $ dès 2025
  • Serveur de 30 CL1 prévu pour une disponibilité cloud fin 2025

Organoïdes multi-régions et intelligence synthétique

À l'université Johns Hopkins, des chercheurs élaborent des organoïdes cérébraux multi-régions dotés de vaisseaux sanguins rudimentaires et d'une activité électrique comparable à celle de différents tissus neuronaux humains. La Dre Lena Smirnova anticipe une informatique biologique qui viendra compléter les architectures sur silicium tout en accélérant la modélisation des maladies et en réduisant l'usage systématique d'animaux de laboratoire.

En parallèle, les avancées de Cortical Labs sur l'apprentissage auto-organisé et celles de FinalSpark sur le pilotage logiciel des organoïdes dessinent une nouvelle catégorie de coprocesseurs pour la recherche pharmaceutique, la robotique ou la simulation d'environnements complexes.

Un casse-tête biologique encore irrésolu

Le maintien du tissu neural vivant reste toutefois un défi colossal : sans réseau vasculaire pleinement fonctionnel, les organoïdes peinent à recevoir les nutriments nécessaires. Le professeur Simon Schultz, de l'Imperial College, rappelle que « nous ne savons pas encore comment les fabriquer correctement » tant le développement de vaisseaux sanguins artificiels demeure complexe.

FinalSpark observe régulièrement des pics d'activité électrique juste avant la mort de certains organoïdes, un phénomène qui rappelle les schémas mesurés chez des patients en fin de vie. L'entreprise a ainsi documenté 1 000 à 2 000 décès neuronaux au cours des cinq dernières années, chacun nécessitant une autopsie de données pour comprendre les causes biologiques et optimiser les protocoles de culture.

Verrous scientifiques prioritaires

  • Reconstitution d'un réseau vasculaire stable à l'intérieur des organoïdes
  • Automatisation du suivi des signaux électriques pour prévenir les défaillances
  • Standardisation des procédés de culture pour reproduire les résultats à grande échelle

Des opportunités pour la recherche mondiale

Cortical Labs veut proposer ses réseaux neuronaux biologiques via le cloud afin que des équipes externes puissent entraîner ou tester des algorithmes directement sur des tissus vivants. Cette mutualisation pourrait offrir une alternative aux infrastructures de calcul traditionnelles et ouvrir l'accès à un terrain d'expérimentation inédit pour les neurosciences computationnelles.

FinalSpark commercialise déjà un accès distant à sa neuroplateforme pour 500 dollars par mois, donnant aux laboratoires la possibilité de mener leurs propres expériences sur des neurones vivants. « J'ai toujours été fan de science-fiction. À présent, j'ai l'impression de faire partie de ce récit », confie Fred Jordan, soulignant l'ambition de démocratiser ces outils tout en encadrant leur développement éthique.

  • Accès distant à la neuroplateforme FinalSpark : 500 $ par mois pour les chercheurs
  • Clusters biologiques de Cortical Labs attendus en cloud computing fin 2025
  • Applications visées : modélisation des maladies, tests de médicaments, IA adaptative

Sources

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