Casques bleus et zone de conflit

Soudan : un drone frappe une base de l'ONU, six casques bleus tués

14 décembre 202510 min de lecture

Introduction : un drone kamikaze brise le fragile statu quo

Six casques bleus tués, douze blessés : le centre logistique de l'ONU à El-Fasher, au Darfour, a été frappé par un drone kamikaze dans la nuit de vendredi, selon le Guardian. L'attaque, la plus meurtrière contre la MINUATS depuis trois ans, intervient alors que les pourparlers de Jeddah entre l'armée soudanaise (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) étaient au point mort. Le Secrétaire général Antonio Guterres évoque une « violation grave du droit international » et demande une session d'urgence du Conseil de sécurité, que la Russie et la Chine jugent prématurée.

L'onde de choc dépasse le Soudan : l'Union africaine réclame des sanctions ciblées contre les fournisseurs de drones, pendant que Washington soupçonne des livraisons venues d'Émirats et de la région du Sahel. Pour l'UE, l'attaque menace directement les routes humanitaires vers le Tchad et le Sud-Soudan, déjà fragilisées par les 8 millions de déplacés internes recensés par l'OCHA. La question centrale : qui contrôle désormais l'espace aérien soudanais et comment sécuriser les civils et les convois alimentaires ?

Développement : escalade au Darfour et rivalités régionales

Les premiers éléments d'enquête pointent un drone de type Shahed-136 modifié, capable d'emporter une charge de 40 kg d'explosif. Des débris récupérés près du site montrent des inscriptions en persan, relançant les accusations de transferts d'armement via des réseaux parallèles. Les RSF nient toute responsabilité et accusent la SAF d'avoir orchestré une fausse attaque pour justifier un renforcement de l'embargo. Mais des images satellitaires, fournies par une société commerciale américaine, montrent des vols de drones à basse altitude provenant d'une zone contrôlée par les RSF deux heures avant l'impact.

Sur le terrain, l'attaque fragilise un fragile corridor humanitaire : le Programme alimentaire mondial doit ravitailler 2,8 millions de personnes dans le Darfour-Nord d'ici janvier. La perte du dépôt d'El-Fasher, qui contenait 1 200 tonnes de denrées, réduit les stocks à moins de trois semaines. Les ONG parlent d'un « point de bascule » : sans sécurité aérienne, les convois routiers resteront bloqués par les check-points des deux camps.

L'équation géopolitique se complexifie. L'Égypte soutient la SAF pour sécuriser le Nil, tandis que les Émirats auraient fourni des équipements aux RSF pour protéger leurs intérêts aurifères. La Turquie et l'Iran cherchent à étendre leur influence via des contrats de drones et de défense anti-aérienne. Résultat : le Soudan devient un laboratoire de guerre par procuration, où s'affrontent des technologies low-cost capables de contourner les défenses traditionnelles de l'ONU.

Lignes du temps à surveiller

  • 72 heures : l'ONU doit décider de suspendre ou non ses vols humanitaires vers El-Fasher.
  • 7 jours : le Conseil de sécurité vote une éventuelle résolution de sanctions sur les drones.
  • 30 jours : renouvellement du mandat de la MINUATS, menacé par les vétos russe et chinois.
  • 90 jours : risque de famine aiguë si les corridors ne rouvrent pas avant la saison sèche.

Analyse critique : humanitaire vs réalpolitik

Opportunités : l'attaque pourrait enfin provoquer une surveillance renforcée des transferts de drones bon marché vers des zones de conflit, un sujet déjà discuté au sein du G20. L'Union africaine pourrait utiliser ce choc pour relancer des négociations inclusives qui intègrent les acteurs tribaux marginalisés. Le Soudan reste aussi stratégique pour la sécurité du Sahel : un accord limiterait la circulation des armes vers le Tchad et la Centrafrique.

Risques : la polarisation au Conseil de sécurité pourrait paralyser toute réponse. La Russie, qui vend des systèmes anti-drones à la région, pourrait bloquer de nouvelles sanctions. Les civils paient déjà : l'UNICEF estime que 19 millions d'enfants soudanais sont privés d'école et que 70 % des hôpitaux du Darfour sont hors service. Une escalade pousserait encore davantage de déplacés vers le Tchad et l'Éthiopie, déstabilisant des pays déjà fragiles.

Zones d'ombre : qui a fourni le renseignement nécessaire pour cibler précisément le dépôt de l'ONU ? Pourquoi la défense anti-drones n'a-t-elle pas intercepté l'engin malgré des alertes radar ? Et que valent les garanties de neutralité des États fournisseurs, si les numéros de série retrouvés confirment des ventes récentes ? Les réponses conditionneront la crédibilité des mécanismes internationaux de contrôle des exportations.

Conclusion : protéger l'humanitaire avant l'embrasement

En une phrase : l'attaque d'El-Fasher montre que les drones low-cost peuvent neutraliser une mission onusienne et mettre en péril des millions de civils en quelques minutes. Sans couloir aérien sécurisé, la famine et les épidémies menacent le Darfour et au-delà. L'ONU, l'UA et les puissances régionales doivent décider vite si elles imposent un embargo effectif sur les drones et renforcent les défenses de la MINUATS.

Question ouverte : la communauté internationale acceptera-t-elle de déployer des moyens de neutralisation de drones plus musclés, voire de déléguer la sécurité à des acteurs privés, au risque d'accroître la privatisation de la paix ?

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Sources

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